16 octobre 2005




Lormont


Extrait du manuscrit :

Quand on se rend à Lormont, en gondole par exemple, on aperçoit un peu avant d'arriver au bourg, et perché sur le coteau, un arceau ogival entouré de restes de murailles couvertes de lierres et de ronces. Ces murailles abandonnées sont ce qui reste aujourd'hui de l'ermitage de Sainte-Catherine. Cet ermitage était célèbre dans la contrée, les femmes y faisaient des voeux, les pèlerins de Saint Jacques y rendaient une visite et les marins y déposaient des ex-voto. Lorsque les processions nautiques se rendaient à Montuzet, la flotille s’arrêtait à hauteur de l’ermitage et on chantait une antienne en l’honneur de la Vierge. La chapelle fut construite au XIVe siècle par les Carmes de Bordeaux, mais elle jouxte un habitat troglodyte encore plus ancien, un boyau occupé par un ermite depuis le IXème siècle.
Sainte Catherine d’Alexandrie fut en grand renom en Guyenne au moyen âge. Tout le monde connaît le dicton : à 24 ans on se marie sans choisir, lorsqu'on tient à ne pas coiffer Sainte-Catherine, c'est-à-dire à rester vieille fille, et avoir atteint l'âge de 25 ans selon les uns, de 30 ans selon les autres. L'origine de cet adage est fondé sur l'ancienne coutume de coiffer les statues des saintes dans les églises. Comme on choisissait des jeunes filles pour coiffer Sainte-Catherine, une de leurs patronnes, il fut très naturel de considérer ce ministère comme une espèce de dévolu pour celles qui vieillissaient sans espoir de mariage, après avoir vu toutes les autres se marier.
La chapelle, au-dessous de l'arc ogival, mesure environ six mètres de longueur sur trois de large. Au fond se trouve un grand bas-relief mutilé, formant retable et représentant sainte Catherine, la Vierge, l'enfant Jésus et un ange; sans doute, le sujet que l'on appelle le Mariage mystique de sainte Catherine. Cette sculpture, ainsi que les nombreux caissons qui décorent l'arc cintré de la voûte, dénote le faire du XVIIe siècle. Ces caissons renferment chacun une fleur variée. Au-dessus du bas-relief, on voit sculpté l'écusson de l'ordre des Carmes : d'argent à deux étoiles de sable et à une étoile d'argent. A droite de la chapelle est un petit réduit peu profond; à gauche, et un peu en avant, est une vaste cave solidement voûtée, prenant jour par des soupiraux, et sur laquelle était un spacieux bâtiment ; on en voit encore, à l'Est, les arrachements de la voûte cintrée. A quelques mètres de là, vers le Sud, une petite porte donne passage à un souterrain étroit, pratiqué dans le rocher, que j'ai pu suivre en compagnie d'un ami, M. E. Laporte, à une certaine distance jusqu'à un point où les éboulements du rocher obstruent le passage. Ça et là, des arrachements de murs indiquent les habitations qui environnaient la chapelle.

Dans l'enclos voisin, au Sud, il y a encore des murs et une jolie fontaine, faisaient-ils primitivement partie de l'ermitage? La source a-t-elle, comme ce fut souvent le cas, une origine païenne plus ancienne ? Et y pratiquait-on le même rite qu’à la fontaine Sainte-Catherine de Bertos ? Le curé d'Hostens y vient deux fois l’année y célébrer les offices : le premier dimanche du mois de mai et le dimanche qui suit le 25 novembre, jour de la fête de sainte Catherine, au milieu d'une affluence de peuple de toutes les communes environnantes. La pratique observée par les femmes est d'aller à la fontaine de Bertos se laver les seins, emporter de l'eau qu'elles font bénir à la chapelle, à l'issue de la messe; faire toucher du linge et autres objets à la lampe qui brûle devant la Sainte, entendre la messe avec un cierge allumé, offrir pour l'entretien de la chapelle du chanvre, de la cire, etc.




Ma visite sur place :


Lormont. De prime abord, je n’aurai pas pensé me promener sur les coteaux hyper urbanisés de la rive droite bordelaise. Mais cette partie du manuscrit éveilla en moi une vraie curiosité : l’ermitage existe-t-il toujours, est-il coincé entre un lotissement et les tours de la cité ?
De plus, la vérification me semblait facile et rapide ; un bref coup d’œil sur une carte suffit à situer le lieu-dit qui a gardé le nom de « Ermitage ». Et une agréable surprise m’attendait sur place. Rompant brutalement avec l’hyper urbanisation, un parc s’étend du sommet de Lormont presque jusqu’aux rives de la Garonne. Havre d’arbustes ayant échappés à l’appétit de la promotion immobilière par nature (des falaises de calcaires inconstructibles), le parc de l’ermitage accueille le visiteur par des sentiers aléatoires à travers bois et futaies. Curieux endroit à la fois terrain vague laissé à l’abandon par la SNCF et parc semi-sauvage en attente d’aménagement, à la fois espace de rencontres douteuses jonché de revues pornographiques et lieu de sorties dominicales en famille.



L’Ermitage étant indiqué sur une carte à l’entrée du parc, je m’aventurai sur le terrain persuadé de plier l’affaire en quelques minutes. Au bout d’une demi-heure de montées et de descentes infructueuses, je me résolvais à demande de l’aide. Tu parles, personne ne connaissait ! Ni les riverains, ni les joggers, ni les habitués du parc, pas même cette mère avec ses enfants qui prétendait voir de quoi je parlais mais qui m’envoyait dans une direction manifestement opposée aux indications de la carte. Comment dans une ville qui compte si peu de vestiges du passé peut-on ignorer un endroit aussi incroyable ? Au bout de deux heures de pérégrinations sans succès au bord des carrières inondées, au plus profond de la forêt, à travers les marécages, je repassais pour la énième fois sur le sommet du plateau, mon t-shirt bien déchiré par les ronces et je questionnais dans une ultime tentative deux hommes, la quarantaine, en train de discuter sur un banc. Enfin une lueur d’espoir et quelques indications claires : il faut suivre le sentier en longeant la route, puis prendre le sentier qui tourne sur la gauche en direction du second monticule de l’autre côté des étangs. Mais il ne faut pas aller aussi loin, il faut guetter sur la droite une vue dégagée qui surplombe la Garonne. Le sentier de l’ermitage part d’ici et descend abruptement vers les toits des maisons du coteau du vieux Lormont. L’ermitage est suspendu entre ciel et terre à cet endroit.


Et en effet, c’est génial, il y est encore ! Ou du moins ce qu’il en reste. Le retable balayé par les vents s’émiette et les sculptures s’effacent. Mais il reste d’une beauté émouvante avec ses jolis motifs floraux. Le souterrain, c'est sans dote cette galerie qui part vers la ligne de chemin de fer mais qui est bouchée par un éboulement à peine une dizaine de mètres de l'ouverture. En fouillant les herbes, on trouvera pourtant une aération du souterrain au delà du bouchon (voir photo). La fontaine je n'ai pas su la situer. A moins que ce ne soit cette structure sculptée non signalée qui propose trois ouvertures symétriques. On devine encore beaucoup de substructures sous les ronces. C’est un endroit merveilleux mi-sculpté, mi taillé dans la falaise. De vieux chênes semblent veiller sur les ruines et une voûte écroulée laisse présager de la grandeur et de la noblesse que l’édifice devait jadis refléter et la salle voûtée offre sa présence insolite à l’endroit. Le reste est mutilé par la ligne de chemin de fer qui passe juste dessous le site, à tel point que lorsqu'un train s'engage dans le tunnel, on sent la terre vibrer légèrement. Voilà qui a du favoriser la dégradation des bas reliefs. Cela reste sans doute la vue et la ruine les plus pittoresques de ce coin de la rive droite.


6 commentaires:

Anonyme a dit…

bien que ce soit interdit, nous nous y sommes rendus aujourd'hui, après avoir découvert ce site dans le numéro hors-série de "Festin" "un tour de CUB en 101 monuments" de 2007. Le bas-relief est encore plus dégradé que sur votre photo...

Anonyme a dit…

on est le 07 01 2010 et je viens moi aussi de voir l endroit ....il est merveilleux!!!!

Anonyme a dit…

Avez vous retrouvez la trace des chênes de la forêt de La Boye et du château de Landiras ?

Anonyme a dit…

Bonjour ,
Petite précision: cet endroit a été redécouvert et patiemment restauré par Monsieur Roger Verdeau Il a également mis à jour un puis gallo-romain sur la colline de Polliet et Chausson.
Ce dernier est très certainement détruit à l' heure actuelle, car il aurait représenté un danger certain pour les visiteurs.

Jamé 203 a dit…

17 juin 2015
Même si le blog semble ne plus être actif, il me parait bon de laisser dans ce commentaire quelques infos actualisées concernant le site de l'Ermitage Sainte Catherine à Lormont.
Au premier abord, l'accès est toujours aussi difficile. Aucun aménagement supplémentaire n'a été mis en place depuis 10 ans.
La végétation et les ronces sont toujours aussi envahissantes. Mais le plus décevant reste l'état de délabrement et d'abandon dans lequel l'ermitage est laissé. Le temps et les intempéries achèvent d'effacer les quelques traces qui subsistent du retable et des quelques éléments architecturaux qui subsistent encore.
Pourtant, il semblerait que le monument ait été inventorié et classé. Un document émanant de la région Aquitaine en atteste sous la référence Mérimée IA33001240.. A quand sa restauration ?



Mérimée IA33001240.

Jamé 203 a dit…

17 juin 2015
Même si le blog semble ne plus être actif, il me parait bon de laisser dans ce commentaire quelques infos actualisées concernant le site de l'Ermitage Sainte Catherine à Lormont.
Au premier abord, l'accès est toujours aussi difficile. Aucun aménagement supplémentaire n'a été mis en place depuis 10 ans.
La végétation et les ronces sont toujours aussi envahissantes. Mais le plus décevant reste l'état de délabrement et d'abandon dans lequel l'ermitage est laissé. Le temps et les intempéries achèvent d'effacer les quelques traces qui subsistent du retable et des quelques éléments architecturaux qui subsistent encore.
Pourtant, il semblerait que le monument ait été inventorié et classé. Un document émanant de la région Aquitaine en atteste sous la référence Mérimée IA33001240.. A quand sa restauration ?



Mérimée IA33001240.